Stephan, votre ville, Delft, n’est-elle pas assez forte pour produire et gérer elle-même sa propre énergie ? Pourquoi avez-besoin des territoires environnants ?
« Prenons le cas de Delft : si l’on regarde notre consommation d’énergie aujourd’hui et les projections pour 2030 et 2050, et si l’on part du principe que toute cette énergie devra être d’origine non fossile, alors il est clair que nous ne pouvons tout produire sur notre territoire » répond Stephan Brandligt.
Les Pays-Bas ont instauré un plan ambitieux qui consiste pour le pays à se passer de gaz naturel afin d’atteindre son objectif de zéro émission nette d’ici 2050.
En effet, le gouvernement néerlandais a décidé d’arrêter l’extraction de gaz à Groningue et donc de commencer sa transition vers un approvisionnement énergétique sans gaz naturel (fossile). Pour les municipalités, cela signifie concrètement qu’elles devront, dans les années à venir, élaborer un plan afin de définir comment mettre en place cette transition vers une nouvelle façon de se chauffer et de cuisiner. A Delft, nous pouvons produire une partie de la chaleur et de l’électricité dont nous avons besoin, en ayant recours à la géothermie ou à d’autres sources de chaleur à petite échelle, aux panneaux solaires, et peut-être en installant une éolienne, bien que cela s’annonce difficile du fait de la proximité de l’aéroport. Mais ce qu’il n’est pas possible de produire localement devra venir des territoires environnants.
La Haye fait face au même problème et à Rotterdam, la situation est encore plus difficile. Cela signifie que les villes de la région doivent coopérer entre elles et que la région doit elle-même coopérer avec d’autres régions car elle n’est pas assez grande. Nous devons veiller à ce que chacun participe à la hauteur de ses possibilités et qu’on intègre tous les secteurs.
Bien souvent, lorsque l’on pense aux ressources rurales utilisées pour répondre aux besoins en énergie des centres urbains, les premières qui viennent à l’esprit sont l’éolien (notamment ici, aux Pays-Bas) et le solaire. Mais dans votre cas, et c’est assez inhabituel, c’est de chaleur dont il s’agit. Pouvez-vous nous expliquer pourquoi ?
« Dans le cas du chauffage urbain, la coopération régionale prend tout son sens. Le futur réseau ira en effet de Rotterdam à La Haye, en passant par Delft et s’étendra jusqu’à Leyde au nord et Dordrecht au sud. Cela signifie que ce réseau s’étalera sur 40 à 50 kilomètres de large, ce qui représente beaucoup de municipalités, petites et grandes. Et toutes ces villes devront coopérer à la mise en place du réseau de chauffage urbain. »
C’est dans les villes que nous devons mener la lutte contre le changement climatique. Les municipalités savent en effet de quoi les habitants ont besoin et peuvent mieux comprendre leurs inquiétudes. D’après notre expérience, adopter une approche locale n’est pas toujours évident dans un secteur aussi concurrentiel que celui de la chaleur et de l’énergie, dominé par de grands acteurs historiques. Comment y parvenez-vous, Stephan ?
« Nous avons de nombreuses coopératives locales portées par des citoyens et nous espérons que la législation européenne les protégera et qu’elles pourront continuer d’exister. Il existe en effet de petites entreprises énergétiques, mais le problème aujourd’hui est que les plus grosses sociétés cherchent à les évincer » conclut Stephan Brandligt.
Stephan Brandligt est également Vice-Président du Conseil d’administration d’Energy Cities.
Entretien réalisé en mai 2019