Après un automne anormalement chaud, l’hiver est enfin là, et avec lui la redoutable question : pourrons-nous nous chauffer cette année ? Et l’hiver prochain ?
L’Union européenne tente de faire face à une (énième) crise en diversifiant son approvisionnement énergétique et en explorant de nouvelles stratégies, mais elle n’a toujours pas avancé l’idée de se débarrasser complètement du gaz (et des combustibles fossiles en général). Pourtant, la décarbonation de nos systèmes de chauffage aurait pour effet d’accroître à la fois notre sécurité énergétique et notre bien-être !
Le paquet gaz de la Commission européenne visait initialement à établir la base législative permettant de décarboner les marchés du gaz et d’établir un marché (compétitif) de l’hydrogène. Quelques améliorations pourraient y être apportées, mais avec la crise énergétique actuelle, il est peut-être déjà obsolète avant même d’avoir été voté ! En effet, la Commission a revu ses ambitions à la baisse, mettant désormais l’accent sur la nécessité de faire des économies de gaz pour un hiver sûr, avec un plan visant à réduire la demande de gaz de 15 % d’ici le printemps 2023…
Le passage des combustibles fossiles aux gaz renouvelables dans les systèmes de chauffage est souvent présenté comme une solution (et un processus) simple : les villes n’auraient qu’à échanger le gaz naturel contre des gaz verts (comme l’hydrogène). Mais, d’une part, passer aux gaz verts pour chauffer nos logements nécessiterait de changer l’infrastructure existante, et d’autre part, ce serait totalement contre-productif car, d’après les expert‧e‧s de Decarb City Pipes 2050 par exemple, si nous voulons utiliser les gaz verts de manière judicieuse, nous devons les exclure des usages tels que le chauffage et la cuisine.
Nous devons mettre en place une stratégie européenne globale en matière de gaz verts afin de donner la priorité à l’utilisation des gaz verts dans certains secteurs spécifiques uniquement, et de planifier de manière réaliste la production nationale (et les importations en provenance de pays tiers). Plus important encore, nous avons besoin d’une planification intégrée claire à long terme : les investissements que nous faisons aujourd’hui auront encore un impact dans 20 ans.
En outre, si nous voulons réaliser une transition planifiée et rentable, nous ne pouvons pas laisser les consommateur‧rice‧s choisir librement leur énergie de chauffage. Nous devrions mettre en place un cadre clair au niveau européen afin d’établir des plans pour les zones de déclassement des réseaux de gaz.
Enfin, se pose la question de qui paiera la facture de la sortie (du gaz). Les réseaux de gaz sont financés proportionnellement au gaz qu’ils transportent : avec moins de gaz circulant dans les tuyaux, les coûts de distribution (pour les consommateur‧rice‧s de gaz restants) vont augmenter. Comment faire face à cette question ? Faut-il envisager la possibilité de mettre hors service certaines parties des réseaux gaziers ? Les gouvernements nationaux peuvent-ils supporter au moins une partie de ces augmentations de coûts ?
A Grenoble par exemple, avec la diminution de la consommation de gaz, les prix de distribution du gaz ont augmenté de 40%. Afin de réduire les coûts du réseau, la Métropole et la compagnie de distribution ont lancé une expérience visant à fermer les sections de conduite qui fournissent de faibles quantités de gaz. Cependant, pour maintenir des coûts de distribution raisonnables tout en réduisant la consommation d’énergie dans les bâtiments, les villes auront besoin de plans d’adaptation du réseau de gaz plus ambitieux.