L’Espagne s’engage sur la bonne voie, mais manque de vitesse

Que peut-on attendre de la déclaration espagnole d'état d'urgence climatique ?


À propos

Auteur

Ismael Morales, Fundacion Renovables

Date de publication

29 janvier 2020

Cet article a été rédigé par Ismael Morales, rédacteur invité de notre organisation partenaire espagnole, la Fundacion Renovables. Ismael nous donne un aperçu des dernières décisions politiques prises par le gouvernement espagnol dirigé par le Premier ministre Pedro Sánchez, sous le pilotage de la Ministre de la transition écologique Teresa Ribera.

Après une année presque complète avec à sa tête un gouvernement fonctionnel et deux élections générales, l’Espagne tente de rattraper le temps perdu. Ses dirigeants ont notamment pris deux mesures importantes pour lesquelles la Fundación Renovables s’est battue : la nomination d’une vice-présidence pour la transition écologique et le défi démographique ainsi que la Déclaration d’état d’urgence climatique.

La déclaration, adoptée le 21 janvier, engage les dirigeants à adopter 30 lignes d’actions prioritaires, dont 5 dans les 100 premiers jours de gouvernement, pour lutter contre le changement climatique et accélérer la transition énergétique par le biais de politiques transversales :

Ces mesures posent des bases très positives et sont sans précédent dans le pays : pour la première fois, les actions visant à lutter contre le changement climatique et à accélérer la transition énergétique sont prioritaires et prises en compte dans les politiques gouvernementales. L’orientation est globalement correcte et le contenu, bien que n’entrant pas suffisamment dans des détails techniques, apparaît bénéfique pour faire face à la situation actuelle.

Des propositions peu ambitieuses

Notre constat plus nuancé est celui d’un manque d’ambition. La Fundación Renovables estime qu’une transition énergétique ne peut être douce et progressive, bien au contraire. La future loi vise à atteindre une production d’électricité basée à 100% sur les énergies renouvelables d’ici 2050, alors que la Fundación propose d’y parvenir en 2040, avec une pénétration de 80% d’ici 2030. De la même façon, le deuxième projet du PNIEC (Plan national intégré énergie-climat) publié le 23 janvier prévoit un objectif de réduction des émissions de 23% par rapport à 1990, très limité et peu exigeant par rapport aux 40% fixés par la Commission européenne ou aux 55% proposés par le Parlement européen.

Cette seconde version du PNIEC est davantage détaillée et plus aboutie, mais souffre de l’absence de changements substantiels par rapport à la première. Selon la Fundación Renovables, les objectifs ne peuvent être atteints sans que l’accent ne soit davantage porté sur l’électrification du secteur de l’énergie d’ici 2030, en considérant une part de 27% seulement de l’électricité dans la demande finale d’énergie, soit seulement 4 points de pourcentage de plus que le scénario cible pour 2020. Avec les objectifs tels qu’ils sont fixés actuellement, 10 années pourraient être gaspillées. Il est crucial d’augmenter la pénétration des énergies renouvelables dans le réseau électrique. La Fundación Renovables propose de doubler les efforts avec un objectif de 50 % en 2030, pour atteindre 80 % en 2050.

Le second projet du PNIEC néglige également la gestion de la demande : en effet, aucun objectif ne porte sur l’autoconsommation et le stockage. La nécessité d’un réseau électrique flexible qui permette l’intégration des énergies renouvelables et qui place le consommateur en son centre, est fondamentale pour la démocratisation et la décarbonation du secteur de l’énergie. C’est ce que propose notre dernier rapport « El Contrato Social de la Energía : electrificar para democratizar » (en français : « Le contrat social de l’énergie : électrifier pour démocratiser »). Jusqu’à présent, la flexibilité n’a été prise en compte que du côté de l’offre. Il est pourtant nécessaire d’y inclure la demande afin de permettre l’organisation d’échanges bidirectionnels entre consommateurs et producteurs impliquant une consommation responsable de tous.

Des lignes d’action prioritaires

Le gouvernement espagnol définit 25 autres lignes d’actions prioritaires dans le cadre de son mandat, pour lesquelles il ne s’engage pas ni ne fixe de délais. Le résultat en est une bonne déclaration d’intention, sans que celle-ci ne soit contraignante :

  • ne pas accorder d’avantages fiscaux sur les combustibles fossiles
  • prendre position sur la mobilité durable
  • un Plan national pour la santé et l’environnement
  • des politiques de développement rural et
  • la présentation, avant 2021, d’une Stratégie 2030 pour le tourisme durable en Espagne.

Dans l’ensemble, la Fundación Renovables est en accord avec la liste des mesures proposées par le gouvernement. Cependant, sans plus de détails sur la manière dont ces mesures seront mises en place, il est impossible d’évaluer leur capacité de participer de manière substantielle à la décarbonation du secteur énergétique espagnol. C’est pourquoi la Fundación Renovables appelle le nouveau gouvernement à concrétiser et à élever ses engagements le plus rapidement possible afin que l’Espagne puisse prendre la tête des politiques de lutte contre le changement climatique.

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