Opérer une transition au sein des systèmes alimentaires : est-ce vraiment réalisable ? 


À propos

Date de publication

24 mai 2022

Le forum 2022 d’Energy Cities, qui s’est tenu à Bruxelles, a réuni autour d’une même table des experts, des organisations de la société civile, des réseaux internationaux et des gouvernements locaux, donnant matière à réflexion et à inspiration. Examinons les principales conclusions de la session du programme des leaders de la transition  » Systèmes alimentaires résilients » !  

Les participants au Forum d’Energy Cities, Bruxelles – Credits: Michael Chia

Comment une gouvernance alimentaire locale efficace peut-elle accélérer les transitions au sein des systèmes alimentaires ? 

La façon dont les aliments sont produits, distribués et consommés est liée à de nombreux facteurs différents : économiques, sociaux, culturels, environnementaux. Cela rend plus complexe l’identification des instruments adaptés avec lesquels nous, citoyens et nos gouvernements locaux, pouvons soutenir la transition des systèmes alimentaires : comment pouvons-nous assurer une production alimentaire durable ? Comment pouvons-nous faire de meilleurs choix de consommation ? etc. 

Prenons un peu de recul.  

Les systèmes alimentaires représentent près d’un tiers des émissions mondiales de GES et ont un impact énorme en termes d’épuisement des ressources naturelles, de perte de biodiversité et de santé des populations. Selon l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), environ 14 % de la nourriture produite est perdue avant même d’atteindre le marché. Dans le même temps, environ 870 millions de personnes souffrent de la faim.  

Lors d’une session du Forum 2022 d’Energy Cities à Bruxelles, Ludovico Roccatello, de Slow Food International, a invité les participants à réfléchir à la nécessité de transformer les systèmes alimentaires, notamment à la lumière des défis difficiles auxquels nous sommes confrontés : changement climatique, pandémie de Covid-19, guerre en Ukraine, inflation des prix des denrées alimentaires, etc. Selon une estimation faite par les Nations Unies en 2018, deux tiers de la population mondiale vivront dans des zones urbaines d’ici 2050, ce qui souligne le rôle central que les villes pourraient jouer pour déclencher une transformation radicale.  

Slow food est un réseau mondial de communautés locales impliquant des millions de personnes dans plus de 160 pays, qui œuvre pour que chacun ait accès à une alimentation saine, de bonne qualité et équitable. Du point de vue d’une organisation de terrain, Ludovico Roccatello a souligné le rôle clé des municipalités, qui doivent être reconnues comme les acteurs judicieux pour faciliter la transition, en jouant un rôle pertinent dans les discussions multipartites et en représentant les besoins de leurs territoires. Si l’on considère les nombreux processus mis en œuvre ces dernières années (jardins scolaires, marchés de producteurs, conseils alimentaires, ceintures alimentaires), le potentiel des villes est évident.  

« Le niveau local est le plus pertinent pour l’action »

Ludovico Roccatello, Slow Food International

A partir de cette réflexion commune, pendant l’atelier et l’ensemble du Forum, nous avons eu le privilège d’écouter des expériences inédites et inspirantes menées par diverses villes, organisations et réseaux européens du Portugal, de France, d’Italie et de Croatie, unis par la volonté de favoriser la transition à partir du niveau local.  

Ville d’Almada : mise en place d’une communauté alimentaire locale 

Située dans la région métropolitaine de Lisbonne, au Portugal, la ville moyenne d’Almada s’est engagée dans la définition d’une stratégie solide pour stimuler une transition alimentaire durable. Duarte Mata – chef du département de l’environnement, de l’innovation, du climat et de l’énergie – a partagé les principales étapes et les leçons tirées du processus en cours.  

« Un aménagement judicieux des terres est crucial pour assurer la sécurité alimentaire« 

Duarte Mata, Ville d’Almada

L’un des principaux défis relevés par la ville est lié à la structure des systèmes alimentaires locaux et au comportement des consommateurs. Les dirigeants de la ville sont convaincus que la distance entre la production et la consommation doit être réduite et que l’éducation alimentaire doit être une priorité. Comme première réponse à ce problème, la ville d’Almada a commencé à se pencher sur ses infrastructures. Elle travaille actuellement à l’élaboration d’un nouveau plan-cadre de rénovation (qui sera publié en décembre 2022) qui tient compte de la pertinence de l’agriculture urbaine et périurbaine pour stimuler la production locale et durable.  

« Le plus gros défi, c’est de faire participer les gens »

Duarte Mata, Ville d’Almada

D’autre part, l’agriculture urbaine a été reconnue grâce à des initiatives locales telles que les petits jardins urbains et les marchés de rue. À plus grande échelle, Almada s’est engagée dans la conception du premier Agroparc qui vise à créer une communauté alimentaire locale inclusive et durable. Le chemin est encore long, la communauté entière doit participer et tous les acteurs de la chaîne de valeur doivent être inclus dans le processus.  

Ville de Rijeka : développement d’un plan alimentaire urbain 

Une autre expérience prometteuse a été apportée par Suzana Belošević Romac – conseillère du maire de la ville de Rijeka pour les projets européens. Rijeka est la troisième plus grande ville de Croatie et, depuis 2021, elle est l’un des 12 poisson-pilotes du projet FUSILLI. Ce projet vise à développer un plan alimentaire urbain pour réaliser une transition intégrée et sûre vers des systèmes alimentaires sains, durables, sûrs, inclusifs et rentables. La ville investit principalement dans l’amélioration de la consommation alimentaire dans les cantines scolaires et réduit les pertes et gaspillages de nourriture avec une approche d’économie circulaire dans toutes les étapes du système alimentaire.  

Nous sommes impatients de connaître l’évolution de l’expérience inspirante de Rijeka !  

La ville d’Albertville : faire des producteurs alimentaires locaux des alliés stratégiques 

D’où vient l’alimentation d’une administration publique ? Les marchés publics alimentaires jouent un rôle important dans la transition vers des systèmes alimentaires durables. La ville d’Albertville, située dans le sud-est de la France, s’efforce à rendre ces marchés publics plus durables. Elle favorise les alliances avec les producteurs locaux et investit dans une consommation durable. Sandrine De Ternay, a présenté l’expérience de la cuisine centrale d’Albertville lors du Forum Marketplace. Le projet, qui a débuté en 2007, vise à augmenter la production locale, à renforcer les liens entre les consommateurs et les petits producteurs et à stimuler la consommation locale. Sans aucun doute, il s’agit d’un exemple inspirant et concret d’implication directe d’une autorité publique locale dans le processus de transition alimentaire !  

Pourquoi les réseaux et les organisations citoyennes sont-ils essentiels ?  

Pour être efficace et durable à long terme, tout processus de transition doit être aussi inclusif et ouvert que possible. C’est pourquoi il est crucial d’entendre des voix diverses et d’unir ses forces, en travaillant en réseau.  

« L’alimentation doit être mis à l’agenda politique !  »

Alizée Marceau, Pistyles SCOP

S’appuyant sur son expérience, Alizée Marceau – chef de projet et consultante de Pistyles SCOP – a partagé son point de vue sur l’importance de créer des réseaux et de connecter les villes pour accélérer la transition des systèmes alimentaires. Parmi les expériences réussies, il convient de citer le réseau Sustainable Food Places Network, créé en 2013. Ce réseau regroupe 70 partenariats alimentaires locaux au Royaume-Uni, parmi lesquels des villes, des communes et des arrondissements. Les partenariats alimentaires sont intersectoriels et pilotés par des autorités locales, des associations ou des structures indépendantes. Ceux qui appartiennent au réseau national bénéficient d’une visibilité accrue et d’un partage de connaissances et d’expériences entre collègues.  

Une expérience similaire, encore à un stade embryonnaire, est développée en France sous le nom d’ALTAA : « Alliance of Practitioners Engaged in the Local, Sustainable Food and Farming Transitions ». ALTAA rassemble actuellement environ 70 parties prenantes et travaille à la création d’un espace de dialogue, de coopération et d’action intersectorielle entre les acteurs locaux et nationaux. Il s’agit d’une première étape vers une transition du système alimentaire dans les zones locales à travers la France, en s’appuyant sur une mobilisation au niveau national.  

Tirer parti des politiques alimentaires totales : s’inspirer de l’expérience des Food Labs  

Une approche systémique de l’alimentation nécessite une forte coordination entre de multiples secteurs et diverses parties prenantes. Francesca Volpe, du Ciheam Bari – Institut agronomique méditerranéen de Bari, a partagé l’expérience des laboratoires d’accélération FoodSHIFT. Ils sont développés dans 9 villes-régions dans le but de remodeler les systèmes alimentaires à partir de la base. Plus précisément, le laboratoire d’accélération de Bari a une forte orientation sociale, encourageant l’entrepreneuriat des jeunes et la création d’emplois par le renforcement des capacités et l’éducation. Ce qui ressort du cas de Bari, c’est la forte implication de la zone métropolitaine, qui réunit 41 municipalités autour de la mission de rassembler tous les acteurs de la chaîne de valeur alimentaire avec une approche d’inclusion sociale.  

« L’alimentation est intimement liée à la justice sociale et les villes sont fondamentales pour favoriser ces thèmes à travers un système alimentaire résilient ».

Francesca Volpe, CIHEAM

Avec le Hub d’Energy Cities « Systèmes alimentaires résilients« , nous allons poursuivre la discussion afin que la nourriture soit fournie de manière durable à tous – dans les villes et ailleurs ! 

Le Hub d’Energy Cities vise à explorer les moyens et les stratégies permettant d’accélérer la transition vers des systèmes alimentaires durables et résilients, et de construire une nouvelle solidarité territoriale via les politiques foncières et alimentaires.  

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