Une coopération pour affronter des temps troublés : l’histoire de deux villes qui font équipe avec des coopératives énergétiques

Eeklo en Belgique et Krizevci en Croatie


À propos

Date de publication

11 juillet 2022

C’est une chose qu’un groupe de citoyens lance sa propre initiative en matière d’énergies renouvelables – et ils sont nombreux à le faire. Mais c’est tout autre chose de le faire avec le soutien d’une administration locale qui prend au sérieux les projets d’énergies renouvelables locales.  Les autorités locales et régionales les plus prévoyantes envisagent les énergies renouvelables sous l’angle des collectivités. Krizevci en Croatie et Eeklo en Belgique partagent cet état d’esprit. Les deux villes ont commencé à collaborer étroitement avec les communautés locales d’énergie afin de relier le niveau administratif au niveau associatif. Jetons un coup d’œil à chacun de ces partenariats et aux avantages qu’ils présentent pour la collectivité. 

#1 – La ville de Krizevci (22 234 habitants) et la coopérative ZEZ

En 2018, les dirigeants de la ville de Krizevci, au nord-est de Zagreb, ont décidé de faire un partenariat avec la coopérative d’énergie verte ZEZ. La ville souhaitait équiper les toits publics d’équipements solaires et était à la recherche de financements. Deux campagnes de financement participatif ont alors été lancées. En seulement 10 jours, 58 investisseurs ont investi dans la première campagne qui était destinée à financer une installation photovoltaïque sur le centre technologique local. Compte tenu de l’intérêt suscité par le premier projet, un deuxième appel a été lancé quelques semaines plus tard. Cette deuxième campagne, destinée à financer une installation photovoltaïque sur la bibliothèque de la ville, a été couronnée de succès en deux jours seulement. En 2020, la ville a créé sa propre coopérative énergétique, KLIK, qui faisait également office de bureau de l’énergie et du climat. Le bureau est considéré comme un pôle de changement, avec pour objectif de gérer encore plus de projets d’énergie communautaire, d’engager les citoyens dans la transition énergétique de la ville et de développer des partenariats civiques entre les secteurs public et privé.

« Pour une indépendance énergétique d’ici 2030, la ville de Krizevci doit installer 1000 unités de production d’énergie sur les toits sur les 6000 toits qui existent au total à Krizevci », déclare le maire Mario Rajn. Pour accélérer le déploiement de plus de projets renouvelables communautaires, la ville accorde des subventions allant jusqu’à 80 % pour tout le nécessaire à la mise en place d’un tel projet (analyse juridique, participation de la communauté, communication, etc.) et jusqu’à 40 % pour équiper les toits individuels de panneaux solaires.

En Croatie en général et à Krizevci en particulier, de nombreux projets voient actuellement le jour, la plupart d’entre eux étant financés par des promoteurs ou des banques conventionnelles. La ville est donc en train de concevoir le modèle de financement des projets renouvelables en y intégrant le financement citoyen.

#2 – La ville d’Eeklo (20 000 habitants) en collaboration avec la coopérative ECOPOWER

 Lassée de dépenser de l’argent pour l’importation de combustibles fossiles, la ville d’Eeklo a décidé, dès 1999, d’élaborer un plan éolien. Une nouvelle future capitale éolienne des Flandre était née. La ville est idéalement située pour une telle initiative, au bord des polders, dans une région rurale et venteuse. Le plan d’Eeklo était aussi solide que le vent soufflant de la mer du Nord toute proche et il comprenait plusieurs principes :

  • Le vent est un bien commun
  • Le vent est un produit local
  • Participation directe des citoyens (propriété directe apportant un dividende annuel et énergie à prix coûtant)
  • Valeur ajoutée locale et sites publics (terrains appartenant à la ville).

Après avoir choisi des sites publics appropriés, la ville a lancé deux appels d’offres : un en 1999 pour la construction de deux éoliennes dans la zone industrielle, et un autre en 2009 près de l’autoroute. Les principaux critères de ces appels d’offres étaient une rémunération de 25k€/an pour la propriété louée et une participation citoyenne d’au moins 50%. Les deux appels d’offres ont été attribués à la coopérative EcoPower car leur offre était basée sur une participation citoyenne de 100%.

Comme la ville a continué à investir dans des projets éoliens, à la suite de cette première, 8 éoliennes ont été installées. Cinq d’entre elles appartiennent à des coopératives d’énergie, grâce au pilotage actif des marchés publics. Les 22 éoliennes d’Eeklo couvrent désormais 100 % de la demande locale en électricité. Cependant, la plupart d’entre elles appartiennent à des acteurs commerciaux car la ville a moins de contrôle sur les terrains privés. Malgré la décision du conseil municipal selon laquelle 50 % de toutes les éoliennes devraient être entre les mains des citoyens, il n’y a pas de dispositions légales permettant une participation directe aux projets d’éoliennes.

Aujourd’hui, la transition vers une électricité propre ne représente qu’une petite partie du défi. La consommation énergétique globale de la ville se compose de 10 % de demande d’électricité, de 60 % de demande de chauffage et de 30 % pour les besoins de mobilité. La ville s’attend à ce que les besoins en électricité augmentent avec l’arrivée de nouvelles technologies (voitures électriques, pompes à chaleur).

La ville a cartographié ses sources d’énergie renouvelables afin de prévoir la demande future en électricité. La carte inclut les futures éoliennes, ainsi que le potentiel provenant du solaire, de la chaleur résiduelle et de la biomasse. Les objectifs à long terme du conseil municipal sont de construire 14 nouvelles éoliennes, d’installer des panneaux photovoltaïques sur 60 % des toits appropriés et d’utiliser 50 % de la chaleur résiduelle. Ces nouveaux projets feront également l’objet d’une importante participation citoyenne.

En outre, pour réaliser la transition vers la chaleur renouvelable, une vision de la transition thermique a été développée : différentes zones ont été cartographiées en fonction de la densité et de leur potentiel pour la biomasse, le chauffage urbain, le tout électrique et les technologies mixtes. En conséquence, partout où cela est possible, un réseau de chauffage urbain sera construit dans la ville. Ce réseau sera relié à l’incinérateur local et chauffera les maisons. À l’heure actuelle, le projet est confronté à un défi avec la hausse des prix des matériaux. Il est donc plus difficile de trouver un équilibre économique pour le projet.

EcoPower a établi un partenariat solide avec les dirigeants de la ville d’Eeklo. La coopérative fournit de l’énergie à 65 000 membres. 70 % des membres ne détiennent qu’une participation de 205 € et 80 % d’entre eux utilisent l’énergie dans leur foyer. Selon Jan de Pauw d’EcoPower, la coopérative « ne vend pas, mais partage l’énergie à prix coutant ». La coopérative n’agit pas seulement en tant que producteur d’énergie, mais aussi en tant que fournisseur d’énergie. Dans le cadre d’un autre projet européen, PowerUp, la ville d’Eeklo a l’intention de préfinancer des parts sociales pour certains citoyens vulnérables afin qu’ils puissent accéder à la coopérative et à l’énergie renouvelable.

Quelques conseils et check-list des précurseurs belges :

Les ingrédients clés d’une énergie citoyenne fructueuse :

  • Les critères d’appel d’offres comme moyen de collaboration entre la ville et les coopératives de citoyens.
  • L’éolienne comme opportunité pour la professionnalisation des coopératives.
  • La participation des citoyens pour minimiser la résistance et maximiser la valeur ajoutée au sein de la communauté.

FAQ pour ceux qui souhaitent lancer une communauté énergétique basée sur l’expérience d’EcoPower et d’Eeklo :

 Comment susciter l’intérêt des citoyens pour les questions énergétiques ?

Un citoyen qui participe à un projet énergétique communautaire peut constater l’impact important et positif sur sa facture énergétique. Ce qui provient des éoliennes va à la communauté locale. Si le processus est lancé par la municipalité, c’est un gros avantage pour les personnes qui se lancent : cela donne confiance aux citoyens.

 Comment obtenir l’adhésion des dirigeants politiques ?

L’argument convaincant lorsqu’on s’adresse aux décideurs politiques doit être la valeur ajoutée apportée à la municipalité. Il y a de l’argent qui rentre grâce aux revenus des éoliennes. C’est une situation gagnant-gagnant, sachant que chaque éolienne génère 25 000 € par an, c’est-à-dire un revenu supplémentaire pour les municipalités.

 Comment gérez-vous l’excédent d’électricité ?

Pour l’instant, il n’y a pas de surplus. La coopérative n’a pas assez d’éoliennes pour accueillir de nouveaux membres. Ils cherchent à acheter des éoliennes supplémentaires, mais aucun n’est prêt à vendre des éoliennes, étant donné le prix de l’électricité (qui génère beaucoup de revenus).

 Comment faites-vous face à la hausse des prix de l’énergie ?

L’intérêt du public pour les coopératives est aujourd’hui plus élevé en raison de la crise énergétique. Le prix de l’électricité est de 40% inférieur à celui d’un fournisseur commercial. A ce jour, EcoPower n’a pas assez de production pour accepter de nouveaux membres. Il faut d’abord construire de nouveaux projets.

 Quelle est la portée géographique d’EcoPower et comment fonctionne la coopérative ?

EcoPower est originaire de Louvain. Toute coopérative peut participer à un appel d’offres public, mais il est difficile de concurrencer les promoteurs commerciaux. Les marchés publics sont un bon outil pour favoriser la participation des citoyens aux projets municipaux. La coopérative ne travaille que localement avec les quartiers. Il n’y a pas besoin d’une campagne de communication au niveau national. La meilleure campagne est le bouche-à-oreille.

CONTEXTE

Dans le cadre du projet PATH2LC, la ville de Krizevci (HR) et la coopérative ZEZ ainsi que la ville d’Eeklo (BE) et la coopérative EcoPower ont partagé leurs expériences et leurs approches lors d’une session numérique entre homologues en mai dernier. Regardez le replay du webinaire ici.

Le projet PATH2LC, qui s’appuie sur des réseaux existants de municipalités dans 5 régions de l’UE, aide les municipalités à mettre en œuvre les mesures identifiées dans leur SECAP et à concevoir une feuille de route de transition à long terme.