Le manque de modernisation des bâtiments peut conduire à une catastrophe sociale

Comment la modernisation des copropriétés participe à la lutte contre les changements climatiques


L’année dernière, trois immeubles se sont effondrés dans le centre-ville de Marseille. L’incident a fait huit morts et choqué des milliers de personnes. À peine un an plus tard, la tragédie de l’incendie de la tour Grenfell à Londres a fait 72 victimes et laissé des centaines de familles sans logement. Et ce n’est que le sommet de l’iceberg qui flotte partout en Europe. Une grande part des bâtiments existants nécessite une modernisation et de meilleures performances énergétiques. Comment en sommes-nous arrivés là ? Et comment éviter de nouvelles catastrophes ?

Pour la santé et la sécurité de tous

Pendant de nombreuses années, mon amie Hannah a vécu dans un appartement humide de la commune bruxelloise de Schaerbeek. Chaque fois que je lui rendais visite, j’étais choquée de voir de grosses taches noires sur les murs de la salle de bains et de la chambre. Avec le temps, de la moisissure s’était installée et Hannah tombait régulièrement malade à cause de cela. Je me disais qu’un jour, elle serait hospitalisée pour des problèmes respiratoires, ou parce qu’elle se serait électrocutée dans sa cuisine. L’installation électrique n’était pas conforme aux normes les plus récentes. L’appartement d’Hannah datait des années 60 et son propriétaire ne voyait pas pourquoi il devait investir dans sa modernisation : Hannah était encore en vie et payait son loyer.

Hannah n’est pas une exception. Son propriétaire non plus. À travers toute l’Europe, des appartements et des immeubles entiers manquent d’investissement. Par conséquent, le gaspillage d’énergie va bon train et les résidents paient des charges inutilement élevées. C’est particulièrement le cas des copropriétés. Il n’existe en réalité pas de données fiables sur la part qu’elles représentent dans le parc d’habitation européen. En 2017 (c’est une des rares données disponibles), plus de 4 personnes sur 10 (41,9 %) en UE28 vivait en appartement (Eurostat). À Paris, 37 % des foyers en précarité énergétique étaient logés en copropriétés (source). Des études récentes montrent, en moyenne, que la qualité des logements en location en Europe est inférieure aux logements occupés par leurs propriétaires. Il semblerait que le rapport entre propriétaires et locataires ne soit pas totalement égalitaire…

Un défi pour les copropriétés

À partir de ce constat, des réparations et de simples rénovations écologiques des appartements ne suffisent pas. La performance énergétique, les factures d’énergie et le confort ne s’améliorent de manière vraiment notables que grâce à des mesures à grande échelle comme la bonne isolation des murs extérieurs, l’isolation des murs creux, l’isolation des toits et l’intégration du renouvelable dans tout l’immeuble. De telles modernisations requièrent un effort coordonné de la part de tous les propriétaires.

Photo de Sérgio Rola sur Unsplash

Certains propriétaires sont ignorants ou radins. D’autres savent ce qui doit être fait mais n’osent pas s’engager pour une modernisation complète de l’immeuble : trouver un consensus sur les mesures à prendre avec les autres copropriétaires, trouver les financements et les professionnels qualifiés, coordonner le projet, tout cela leur fait peur.

Aider aujourd’hui les résidents de copropriétés à la modernisation peuvent enrayer la précarité énergétique et les problèmes de santé et de sécurité. C’est particulièrement vrai pour les résidents les plus vulnérables. Des programmes de financement public sont nécessaires pour accélérer la modernisation des copropriétés en Europe. Les collectivités locales et les agences d’énergie sont les facilitateurs adaptés, à la fois pour les copropriétaires et pour les experts des métiers du bâtiment.

FOCUS SUR UN PAYS : L’ECOSSE

Afin de résoudre les effets sociaux des bâtiments mal ou non rénovés, l’Ecosse a mis en place une législation sur l’efficacité énergétique telle l’Energy Efficiency Standard for Social Housing (EESSH), ainsi qu’un « standard de tolérance » pour tous les immeubles d’habitation et un standard de réparation pour toutes les propriétés en location d’Ecosse. L’EESSH vise à encourager les propriétaires à améliorer la performance énergétique des logements sociaux en Ecosse.

Le pays est doté d’un service municipal unique qui aide les copropriétaires afin d’éviter des catastrophes : le « shared repairs-missing shares service » ou service des parts manquantes. Offert par les conseils municipaux, il paie la part manquante quand un ou plusieurs propriétaires refusent ou sont dans l’incapacité de payer, quand un propriétaire reste injoignable malgré plusieurs tentatives, ou quand il est déraisonnable de demander à un propriétaire de payer. Tous les conseils d’Ecosse n’utilisent pas ce pouvoir.

Le programme Under One Roof Scotland peut aider les organisations à sensibiliser au besoin de maintenance et conseiller les propriétaires sur la manière de communiquer avec leurs copropriétaires, d’organiser les réparations et d’entretenir les immeubles.

La ville écossaise d’Aberdeen participe au projet ACE-Retrofitting financé par l’UE. Elle a testé un ensemble de méthodes pour dépasser les barrières légales, humaines et financières qui empêchent actuellement la rénovation énergétique des copropriétés.

Pour une vision élargie

Nous allons devoir réfléchir à plusieurs façons d’affronter les effets sociaux du logement. Les aides publiques ciblées peuvent permettre d’éviter les catastrophes, avant qu’il ne soit trop tard. Plus que des dépenses, les programmes d’aide à la rénovation sont des investissements. Les logements insalubres coûtent cher. À titre d’exemple, le système de santé national britannique dépense 1,4 milliard de livres par an pour traiter les maladies liées au mal logement (source).

Un ensemble de solutions sont en cours d’expérimentation dans plusieurs lieux européens à travers le projet ACE-Retrofitting et ne se reposent pas seulement sur la demande.

Ainsi, à Paris, la plateforme de service public CoachCoPro s’adresse aux copropriétaires et aux professionnels du bâtiment. Elle guide les syndicats de copropriété étape par étape dans leur projet de modernisation. Parallèlement, elle offre aux professionnels un outil pour dialoguer, planifier et suivre un projet de modernisation dans les copropriétés. Les conseils en ligne sont complétés, notamment, par des rendez-vous en face à face, du coaching personnalisé et des visites sur site.

La qualité du logement synonyme de qualité de vie

L’innovation urbaine concerne également le bien-être de résidents. Même si dans la plupart des pays d’Europe de l’Ouest, seule une minorité d’immeubles peuvent être considérés comme insalubres, les politiques publiques doivent faire de cette question une priorité. Moderniser les bâtiments du parc existant, avec des effets visibles à l’œil nu ou non, entraîne des effets sociaux positifs au-delà des murs des immeubles.

À Anvers, où 71 % des immeubles d’habitation (privée) relèvent du secteur privé, le plan directeur d’aide à la rénovation ne se concentre pas uniquement sur l’efficacité énergétique des immeubles. Il offre également des informations concises sur l’état des bâtiments. Cela s’applique aux parties communes et inclut la qualité et la structure des bâtiments, les installations techniques, les risques d’incendie, les services publics, la santé, la sécurité et es conditions générales de vie.

Si d’autres collectivités montraient la voie en réunissant copropriétaires et professionnels du bâtiment, établissant ainsi des partenariats, les projets de modernisation profonde pourraient se multiplier. Le parc existant en Europe pourrait aider à atteindre dans un même effort les objectifs climatiques, sociaux et économiques.

Engager votre ville à soutenir les copropriétés

Rénovation énergétique des copropriétés : un engagement politique plus fort est nécessaire.

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