Briser l’engrenage de la précarité

Ingrédients pour des stratégies locales de lutte contre la précarité énergétique


Alors que la part de la population en situation de précarité énergétique ne cesse d’augmenter – et ce d’autant plus vite depuis le début de la crise de la COVID-19 – des solutions concrètes sont nécessaires pour aider ces personnes à sortir de cette impasse. Au-delà de l’accompagnement individuel, c’est à la racine du mal qu’il faut s’attaquer. Car la précarité énergétique ne se limite pas à l’incapacité de payer ses factures. D’un point de vue politique, une approche holistique, associant politiques sociale, environnementale, de santé et de logement, est nécessaire. Des règlements européens contraignants imposent aux Etats membres de mesurer la précarité énergétique et de prendre des mesures pour y remédier. Mais seuls quelques pays ont présenté une stratégie nationale assortie d’objectifs clairs en la matière dans leur PNEC. 

Les collectivités locales, qui sont les plus proches des citoyens en général et des publics les plus vulnérables en particulier, sont  les mieux placées pour saisir la complexité de la  précarité énergétique sur le terrain. A l’instar des plans climat ou pour la transition, des stratégies locales de lutte contre la précarité énergétique sont déjà à l’œuvre et s’avèrent parfois plus ambitieuses que les stratégies nationales (voir quelques exemples ici).

Comment aider ceux dans le besoin

La première étape consiste à identifier les caractéristiques et l’étendue de la précarité énergétique dans votre ville. Il existe des indicateurs officiels et une première collecte de données vous permettra d’avoir un aperçu de la situation au niveau local. Ensuite, il peut être intéressant de créer un groupe de travail rassemblant divers acteurs (travailleurs sociaux, associations, collectifs, etc.) ainsi que des citoyens concernés par le problème pour co-construire une stratégie. Car les personnes en situation de précarité énergétique sont des experts en la matière ! Vous pouvez également faire appel à leur expérience vécue, en les faisant parler de leurs problèmes et de leurs manières d’y faire face dans le cadre d’entretiens semi-dirigés avec des chercheurs. Cette auto-évaluation qualitative de la précarité énergétique peut aider à affiner les objectifs, ainsi que les mesures prises pour y remédier.

Chaque ville est unique et il n’existe pas de stratégie universelle capable de s’adapter à toutes les situations. Les mesures mises en place sont variées et incluent des politiques d’amélioration de l’efficacité énergétique, comme le subventionnement de travaux de rénovation et l’installation d’appareils de chauffage plus performants, l’éducation aux économies d’énergie, une aide financière pour payer les factures, des tarifs sociaux, l’interdiction d’interrompre la fourniture d’énergie ou encore le soutien à l’auto-consommation ou au développement de communautés énergétiques locales.

Bien que certaines politiques ne peuvent être mises en place qu’au niveau national, beaucoup peuvent être menées localement avec de bons résultats :

Les mesures de rénovation et d’amélioration de l’efficacité énergétique ciblant en priorité les ménages les plus vulnérables doivent être au cœur des préoccupations. En particulier lorsque la personne en situation de précarité énergétique est propriétaire de son logement.  Des exemples tels que le projet Aster en Flandre ou People Powered Retrofit à Manchester montrent que des acteurs régionaux et locaux (à savoir des organismes régionaux de logements sociaux pour le premier projet et des ONG pour le second) peuvent s’associer à des institutions nationales ou européennes pour financer avec succès des travaux de rénovation. L’ensemble des citoyens et les acteurs du marché engagés dans une démarche à vocation sociale devraient également pouvoir participer à la conception des quartiers à énergie positive, afin d’éviter la gentrification et permettre aux plus vulnérables de bénéficier d’une production locale d’énergie et de mesures d’amélioration de l’efficacité énergétique.

Les audits énergétiques et les conseils en énergie sont également essentiels pour alléger les lourdes factures d’énergie et améliorer les conditions de vie. Les conseillers en énergie, qui travaillent en étroite collaboration avec les ménages vulnérables, peuvent appréhender leur situation sous un angle multidimensionnel (social, économique, sanitaire…). Que leurs activités portent sur le comportement des ménages, les appareils électroménagers, l’isolation, ou encore le choix des fournisseurs d’énergie, les résultats peuvent être immédiats et significatifs. C’est le cas par exemple de l’Office de l’énergie de la ville de Valencia, où les interventions des conseillers énergie ont permis de réaliser jusqu’à 500 € d’économie sur un an, ou encore du fonds d’aide à l’électricité Caritas-Verbund de Francfort, ou du programme SLIME en France.

Les réseaux de chauffage et de refroidissement urbains sont une solution efficace pour fournir un confort thermique abordable et à faible émission de carbone aux ménages. Energy Cities fait partie du projet HeatNet, dont le guide à destination des collectivités locales vise à donner, étape par étape, des conseils techniques et financiers, ainsi que des recommandations politiques.

– Les villes sont également les mieux placées pour soutenir les communautés énergétiques locales. Ces communautés peuvent soit utiliser leurs revenus pour lutter contre la précarité énergétique soit aider directement les populations les plus vulnérables en leur permettant de devenir producteurs d’énergies renouvelables. Les municipalités ont également un rôle à jouer dans la promotion des acteurs locaux de l’énergie engagés dans une démarche à vocation sociale. Le projet POWER UP, par exemple, entend développer des projets pilotes, co-créés avec des ménages en situation de précarité énergétique, afin de fournir de l’énergie produite localement ainsi que des services en matière d’efficacité énergétique.

– Enfin, même s’il est nécessaire de s’attaquer aux facteurs structurels de la précarité énergétique, un soutien financier direct aux ménages les plus vulnérables reste vital pour ne pas les obliger à devoir choisir entre « manger » ou « se chauffer ».

Qu’en est-il du financement de ces initiatives ?

Il existe de  nombreux instruments européens. Certains d’entre eux ne sont disponibles que dans le cadre de programmes de financement nationaux, comme la Facilité pour la reprise et la résilience. Pour leurs actions pilotes, les villes et autres organismes locaux peuvent s’adresser directement aux programmes et instruments financés par l’UE, tels que les programmes LIFE ou Horizon Europe. Les concepts d’investissement peuvent recevoir le soutien de la facilité EU City ou du programme ELENA. Le dernier guide d’Energy Cities sur les opportunités de financement de l’action climatique peut également répondre à vos doutes et questions concernant les mesures de lutte contre la précarité énergétique. Les programmes et les conditions de candidature évoluent rapidement. Nous vous tiendrons informés des nouvelles opportunités dès qu’elles se présenteront.